La santé mentale en Guyane

La santé mentale a été érigée en Grande Cause Nationale par l’État pour l’année 2025, ce qui en fait une priorité majeure de santé publique.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la santé mentale est définie comme « un état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté. »
Il est crucial de rappeler l’importance de la santé mentale dans notre vie quotidienne. Informer et sensibiliser le grand public aux enjeux de la santé mentale, lutter contre la stigmatisation des troubles psychiques et faire connaître les dispositifs pouvant apporter un soutien de proximité sont des actions essentielles. En Guyane, comme dans les autres territoires ultramarins et en France hexagonale, la santé mentale est une priorité de santé publique, guidée par une feuille de route coconstruite par les acteurs du territoire, visant à renforcer la prévention, à améliorer l’accès aux soins et le parcours, à renforcer l’accompagnement des personnes touchées par des troubles psychiques et leurs familles.
En effet, en Guyane, 36,9 % de la population présente au moins un trouble psychique ou psychiatrique. Cette prévalence est plus élevée que celle observée en France métropolitaine (31,9 %).
Cet article explore les défis actuels, les actions en cours et les perspectives pour l’avenir de la santé mentale sur le territoire. Pour cela, nous avons interviewé Sonia Da Cruz, Coordinatrice à l’ARS Guyane du Projet Territorial de Santé Mentale en Guyane.
Quel état des lieux de la santé mentale en Guyane et notamment chez les jeunes ?
Pour réaliser l’état des lieux, il est important de rappeler comment la stratégie territoriale en matière de santé mentale a été construite en Guyane.
En 2016, la loi de modernisation du système de santé a introduit l’importance de développer une réelle politique de santé mentale, notamment le volet prévention et promotion de la santé mentale, le travail sur les déterminants de la santé mentale et l’organisation territoriale de cette politique. En 2017, le décret relatif au Projet Territorial de Santé Mentale (PTSM) a été publié, posant le cadre pour décliner cette politique dans les territoires.
En Guyane, le périmètre territorial du PTSM a été défini en cohérence avec l’organisation de la Conférence Régionale de la Santé et de l’Autonomie : un seul PTSM pour la Guyane. Cela étant, sa gouvernance s’organise sur 5 territoires identifiés pour accompagner les réseaux d’acteurs existants et afin de couvrir l’ensemble du territoire de la Guyane.
La politique de santé mentale est une priorité de l’ARS Guyane : un diagnostic territorial partagé a été réalisé, par les acteurs, ayant permis d’identifier des axes stratégiques et opérationnels pour organiser les travaux sur le territoire.
Pour répondre à votre question concernant l’état des lieux de la santé mentale des jeunes, les chiffres nationaux attestent de la dégradation de la santé mentale des 11-24 ans depuis 2023, avec une hausse marquée pour les 18-24 ans. La Guyane suit malheureusement cette tendance : 56% des tentatives de suicide concernent les 10-25 ans (années 2022 et 2023). La santé mentale des enfants et des jeunes est une priorité pour l’ARS Guyane et pour les acteurs, comme en atteste la thématique des 1ères Assises de la Santé Mentale et de la Psychiatrie, qui se sont tenues en septembre dernier.
À la suite des assises de la santé mentale (septembre 2024), quel bilan dresser de la situation en Guyane ? Quels sont les principaux enjeux ?
Parmi les réflexions portées lors des Assises :
- La place des déterminants de santé mentale s’avère déterminante, en particulier les violences à l’égard des enfants, avec la nécessité d’organiser la collecte et le traitement des signalements ;
- L’annonce de la création d’une UAPED (Unité d’Accueil Pédiatrique Enfants en Danger), financée par l’ARS Guyane, pour un accueil et parcours adaptés pour les enfants victimes de violences (unité adossée au CHU) ;
- La prévention du suicide des enfants et des jeunes, notamment des moins de 25 ans, restera une priorité du PTSM ;
- Le renforcement des équipes mobiles qui ont prouvé leur efficacité et leur réactivité ;
- L’accompagnement de la recherche en santé mentale, en raison du manque de données épidémiologiques, notamment sur en lien avec les facteurs de risque (TND, etc.) ;
- Les besoins importants en termes de prise en charge des enfants touchés par les troubles neurodéveloppementaux (TND) ;
- Le développement de dispositifs d’accompagnement au rétablissement et de structures de répit pour les familles et les aidants ;
- La nécessité de renforcer la coordination des acteurs, notamment à travers la gouvernance du PTSM, les contrats locaux de santé (CLS) des communes engagées et le Conseil Intercommunal de Santé Mentale (CISM) de la CACL ;
- Les actions de sensibilisation et d’information à destination du grand public.
La santé mentale des enfants est un enjeu sociétal majeur : l’objectif des acteurs est de travailler la coordination pour améliorer le repérage précoce (troubles émergents), la prise en charge et le parcours de tous les enfants sur le territoire. Un travail spécifique est mené pour réduire les inégalités territoriales d’accès aux soins.
Un autre enjeu important sur le territoire, c’est la prise en compte de la culture des habitants. Pouvez-vous nous en parler ?
C’est un sujet très important sur notre territoire. C’est pourquoi dans le PTSM, nous avons posé l’interculturalité comme préalable indispensable. Les médiateurs culturels en santé sont un levier important pour développer la santé communautaire. Les collègues évoquent également une approche ethnopsychiatrique. Cette approche est cruciale pour comprendre ce que les différentes communautés mettent derrière les mots « santé mentale », afin d’adapter notre prise en charge. Le Président du Grand Conseil Coutumier de Guyane, membre du comité de pilotage du PTSM, souligne l’importance de comprendre ces perceptions pour avoir une politique de santé mentale efficace.
La population locale est-elle suffisamment informée sur la santé mentale et ses enjeux ? Comment peut-on faire pour que tout un chacun soit sensibilisé à cette problématique ?
Tous les ans au mois d’octobre, se tiennent les Semaines d’Information sur la Santé Mentale. Fin 2024, les événements grand public se sont déroulés du 7 au 20 octobre, sur le thème : « En mouvement pour notre santé mentale. » Les acteurs, les citoyens, les associations proposent des actions de sensibilisation, de prévention, des moments d’échanges, permettant d’informer la population générale et de lutter contre la stigmatisation.
Lorsque l’on parle de santé mentale, cela ne signifie pas parler de troubles psychiques ou de psychiatrie : la santé mentale est une approche globale, visant le bien-être de la personne et sa capacité à affronter les difficultés de la vie. Nous parlons de santé mentale au même titre que nous parlons de santé physique. Nous comptons sur la population pour nous accompagner sur la prévention !
Nous devons également sensibiliser dès le plus jeune âge, en particulier, le public scolaire de l’école au lycée. Le travail sur les compétences psychosociales est éminemment important, incluant la lutte contre le harcèlement sous toutes ses formes.
Selon vous, la santé mentale des femmes est réellement plus affectée ou est-ce simplement que l’on en parle moins chez les hommes ?
Les chiffres vont dans ce sens. La santé mentale des jeunes est préoccupante, celle des filles étant plus dégradée que celle des garçons. Selon un rapport publié en septembre dernierdans Le Monde concernant les 12-25 ans, 8% des jeunes ont un traitement comportant des anxiolytiques, quasi-exclusivement des filles.
Il y a donc un enjeu majeur concernant la santé mentale des jeunes filles comme le souligne également l’Unicef dans un rapport récent.
Pour pondérer ces chiffres concernant la santé mentale des jeunes, précisons tout de même que les nouvelles générations ont une plus grande facilité à demander de l’aide en cas de difficultés.
Pourquoi est-il essentiel de parler de santé mentale aujourd’hui sur le territoire ? Avez-vous des perspectives ?
Très concrètement, les perspectives consistent à concrétiser les recommandations et les fiches actions du PTSM. Il s’agit en particulier d’améliorer la coordination des acteurs et renforcer les dispositifs porteurs existants.
La santé mentale est une thématique transversale. Elle concerne de nombreux acteurs institutionnels, sanitaires, médico-sociaux, associatifs, collectivités. Les contrats locaux de santé et le Centre intercommunal de santé mentale sont des leviers essentiels du déploiement de cette politique.
En conclusion, la santé mentale en Guyane, Grande cause nationale 2025, nécessite une approche coordonnée et interculturelle pour répondre aux besoins spécifiques de la population. Les initiatives en cours, guidées par le Projet Territorial de Santé Mentale, visent à renforcer la prévention, améliorer l’accès aux soins et soutenir les personnes touchées par des troubles psychiques. La collaboration entre les acteurs locaux et la sensibilisation du grand public sont essentielles pour réduire les inégalités et promouvoir le bien-être mental sur le territoire.
Pour plus d’informations sur la santé mentale, vous pouvez écoute le podcast de Guyane la Première : La santé mentale en Guyane
Merci à Mme Sonia Da Cruz, pour cette interview.
Sources :
Guyane la 1ère : Santé mentale en Guyane : d’après une étude, 36,9% de la population présente au moins un trouble psychiatrique ou psychique
OMS : Santé mentale : renforcer notre action
ARS Guyane : Projet Territorial de Santé Mentale (PTSM) de Guyane 2022 – 2027
ARS Guyane : Conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA)
ARS Guyane : Le Conseil Territorial de Santé (CTS)